Home-Studio mode d’emploi
Prenez un simple ordinateur, quelques magnétophones numériques, des logiciels, ajouter des périphériques, isoler votre local avec des boîtes d’œufs (comme le malgache Rossy) et vous voilà propriétaire d’un home-studio. Il vous en coûtera entre 6000€ et 25000€.
Burkina Faso : renaissance d’une scène musicale sinistrée
A Ouagadougou, le premier home-studio est né en 1987. «~Il a été installé par Moïse Salambéré, un guitariste féru d’informatique qui rentrait de France~» explique le musicien Eugène Kounker. «~On en compte aujourd’hui 6 ou 7 qui ont 8 pistes voire 16 pistes.~» Une aubaine pour ce pays musicalement sinistré, les artistes allant autrefois enregistrer à l’étranger. Capables de fournir un son digital, les home studios ont rapidement dépassé leur fonction initiale, la conception de maquettes, pour proposer des cassettes. «~Certains artistes comme Zedess ou Bill Aka~», confirme Eugène Kounker, «~sont de purs produits des home studios et ont suscité des vocations. Autrefois, on sortait 2 produits dans l’année, aujourd’hui, on est passé à un par mois~».
Congo : religion et technologie
A Ouagadougou comme dans les deux Congos, certains home-studios ont été créé à l’initiative des Eglises. Prêtre argentin vivant à Kin, Mario s’occupe depuis deux ans d’un petit home-studio qui produit des gospels mais enregistre aussi de jeunes talents. «~Nous sommes ouverts à tous les styles et proposons nos services pour des prix dérisoires~».
Dakar : une saine concurrence
Le Sénégal compte des centaines de home studios. «~On peut signaler deux types de home-studios,~» explique le compositeur Cheikh Tidjane Tall, «~les petits home-studios que se sont offert des artistes comme PBS ou Jimmy MBaye et les home studios moyens comme Midi Music de Aziz Dieng ou Studio Wings de Jeannot Béchara. Les premiers conçoivent des maquettes, les seconds, des produits finis qu’ils font dupliquer dans les grands studios~». Leur premier atout est d’abord le service (100€ à 250€ la journée contre 600€ dans des studios professionnels), une concurrence que Cheikh juge plutôt saine «~Les grands studios améliorent sans cesse la qualité du son et oblige les home-studios à s’équiper. Cela profite à la scène musicale en général~». Le home-studio a également transformé la mentalité du milieu musical. «~Dans le milieu rap~», note Cheikh, «~la solidarité est un élément flagrant. Des artistes comme PBS ou Daara J ont lancé de nombreux rappers que Youssou NDour programme aujourd’hui dans ses concerts~».
Réunion/Afrique du Sud : lutter contre les requins du showbiz
Dans l’Océan Indien comme en Afrique australe, les artistes ont créé leur home studios pour échapper aux requins de la production. « «~En 1996, expliquent les membres de CEDEC, un groupe de la Réunion, propriétaire de son studio, nous avons sorti une compilation chez la maison Oasis. Nous en avons vendu 5000 exemplaires mais n’avons jamais vu la couleur des royalties~». En Afrique du Sud, le home-studio a été surtout adopté par des artistes de Kwaïto comme Junior Sokhela du groupe Boom Shaka. A Yeoville, le quartier militant de Johburg, un musicien blanc, Dave Reynolds, accueille dans le sien tous les jazzmen. « «~Quand une Major signe un contrat, elle stipule que les masters (bandes originales) lui appartiennent pendant 7 ans. Moi je propose une collaboration : les artistes restent propriétaires de leurs œuvres, touche un pourcentage équitable. Les droits d’édition et les royalties leur appartiennent~».
Home studios : quel avenir ?
Mais la grande innovation des home studios a ainsi permis aux artistes de créer au pays tout en développant avec moins de précarité une carrière internationale. Certains comme le malgache Rossy font même le chemin inverse puisqu’ils accueillent des artistes venus d’Europe et des Etats-Unis, une façon de réinventer les rapports Nord-Sud.
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