Kar Kar, Le bluesman Khassonké
Boubacar Traoré porte en lui toutes les beautés du blues africain, notamment le blues chanté en Khassonké (nom de son peuple et une des langues mandingues). Aucune autre voix que celle de « Kar Kar » (« casser-casser ») – celui qui sait dribbler, surnom donné par ses amis, amateurs comme lui de football – ne mêle avec une authenticité aussi émouvante les limons du fleuve Niger à ceux du Mississipi. Son jeu de guitare autodidacte, unique, inimitable, doit beaucoup à la kora dont il s’est inspiré. Mais on y trouve des couleurs et un phrasé qui rappellent ceux des grands bluesmen noirs américains du Sud profond : Blind Willie McTell, Robert Johnson, Muddy Waters…
Les périodes de galère
A 20 ans, dans les années 1960 marquées par l’euphorie des indépendances, Boubacar Traoré était le Chuck Berry, l’Elvis Presley malien. Le premier, bien avant son cadet Ali Farka Touré, à jouer une musique d’inspiration mandingue avec une guitare électrique. Des tubes comme « Mali Twist » et « Kayes Ba », enregistrés en 1963 par la Radio Nationale et abondamment diffusés, ont fait danser une génération qui découvrait la liberté. Mais en 1968, lorsque Moussa Traoré renverse le Président Modibo Keïta, Boubacar Traoré, considéré comme un artiste du régime précédent, disparaît des ondes. Revenu sans un sou dans sa ville natale, Kayes, en pays Khassonké, au nord-ouest de Bamako, près de la frontière avec le Sénégal, il devient travailleur agricole, ouvre une boutique avec son frère aîné – celui qui lui a fait découvrir et offert sa première guitare – et travaille pour nourrir sa famille.
Adieu Pierrette
Boubacar Traoré est redécouvert en 1987 par des journalistes de la télévision nationale en reportage à Kayes. Tout le monde le croyait mort. Son passage à la télévision le remet dans la lumière et déclenche un flot d’émotions. Mais le destin vient briser la renaissance de Kar Kar à la musique. Pierrette, sa femme, sa muse, son amour, meurt en mettant au monde leur dernier enfant. Il est désespéré, anéanti. C’est à ce moment qu’il décide de chercher du travail à Paris (France) où il rejoint les nombreux travailleurs émigrés maliens dont il partage la dure vie. A propos de cette partie de sa vie, il déclarera plus tard : « Tu peux être un roi chez toi, mais dès que tu es un émigré, tu es n’importe qui ». Il gardera aussi cette casquette plate qui couronne désormais sa haute silhouette.
Mariama
C’est à ce moment qu’un producteur anglais le retrouve à Paris et lui fait enregistrer son premier album « Mariama » en 1990 – il avait déjà interprété la chanson « Mariama » en 1963. Déchirante, dépouillée, mélancolique, la musique de Kar Kar n’est plus celle du jeune homme des années 1960. Elle s’est épurée et est devenue l’expression d’un homme mûr qui y exprime ses douleurs et ses joies, toujours avec cette voix au timbre si particulier, nimbée de nostalgie et de poésie.
Je chanterai pour toi
Après ce disque, tout s’emballe. Boubacar Traoré sort plusieurs albums pour différents producteurs : « Sécheresse » (1992), « Les enfants de Pierrette » (1995), « Sa Golo » (1996), « Maciré » (1999). Il est l’un des héros du livre « Mali blues », carnet de route à travers l’Afrique de l’Ouest écrit par Lieve Joris (1996), et le sujet du film « Je chanterai pour toi » du réalisateur français Jacques Sarasin (2001), dont la B.O. sort l’année suivante sur le label Marabi.
La même année, il est de la bande originale de « Au Cœur du Blues », un film du réalisateur suisse Louis Mouchet.
Mbalimaou
Boubacar publie « Kongo Magni » (Marabi, 2005) produit par Christian Mousset, le directeur du festival Musiques Métisses d’Angoulême qui produit également ensuite « Mali Denhou » (Lusafrica, 2010). Kar Kar rattrape le temps perdu et conquiert les scènes d’Europe, puis des Etats-Unis et du Canada… Son nouvel album, « Mbalimaou » (Mes frères), est annoncé pour janvier 2015, accompagné de plusieurs concerts de promotion au mois de février, dont Toulouse (Salle Nougaro), Paris (Théâtre de La Ville), Le Havre (Le Volcan), etc.
Dounia Tabolo
Pour son nouvel album, « Dounia Tabolo », enregistré à Lafayette, en Louisiane, Boubacar Traoré a invité des musiciens du sud des Etats-Unis croisés lors de ses tournées : Cedric Watson au violon et au washboard, Corey Harris à la guitare, ainsi que la violoncelliste et chanteuse Leyla McCalla. L’idée de Boubacar était de changer les couleurs de ses chansons (standards ou nouvelles) tout en gardant leur cachet original. Avec cet album entre blues, folk, musiques créoles, cajun et zydeco, Boubacar Traoré s’affirme plus que jamais comme le lien vivant et vif qui relie encore et toujours Mali et Mississippi.
_ Sera extrait de cet opus un single comprenant « Je chanterai pour toi » et « Dis-lui que je l’aime comme mon pays » (versions Radio Edit).
[…] Blondy, Amy Koïta, Baaba Maal, Babani Koné, Bazoumana Sissoko, Bopol Mansiamina, Boubacar Traoré, Bumba Massa, Coumba Gawlo Seck, Djélimady Tounkara, Djénéba Seck, Doudou Sow, Doura […]