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A l’occasion de sa douzième édition, le Dialaw Festival, pluridisciplinaire et international, poursuit son idéal : relier l’art et l’écologie dans un petit village de pêcheurs lébous  de la petite côte. Peintres, musiciens, danseurs, slammeurs et conférenciers viennent des quatre coins du monde célébrer ce lien puissant entre environnement et art. Poursuivant l’œuvre de Gérard Chénet, poète, metteur en scène et sculpteur haïtien exilé disparu en 2022, sa fille Rachel et son gendre, Sayouba Sigué, tous deux danseurs internationaux, ont repris le flambeau de cet engagement visionnaire. Au cœur de l’édition 2024, : la place de l’art et de la culture dans la transition économique, écologique et sociale.

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Le Dialaw festival en est à sa douzième édition. Quel est le bilan de cette édition ?

Rachel Chenet et Sayouba Sigué. Il y a une plus grande participation par rapport à l’année dernière, plus de monde. L’évènement a été préparé par plein de gens qui venaient de France, de Belgique. L’implication était plus grande au sein du village. Il est très important pour nous d’avoir comme complices les habitants de Toubab Dialaw. C’est l’un de nos paris gagnés. On a même refusé des bénévoles. On a même eu des demandes de bénévolat venant de Dakar. Cela veut dire que le festival commence à résonner un peu partout. En thème de participation artistique, il y a plus de pays étrangers que les années précédentes et beaucoup plus d’exposants. 13 pays étaient représentés, toutes disciplines confondues.

Salam TD. Photo Willy Vainqueur

S.C. Quelle est l’implication de la municipalité ?

R.S.  Après les élections municipales, il était  difficile d’approcher le maire même si, à la fin, il est venu. Cette année,  il nous a accompagné, il était là, il est venu lors de la cérémonie d’ouverture avec une délégation de 15 personnes et il nous a aidé financièrement. On a signé un partenariat, une convention pour accompagner le festival sur du long terme.  Il y a avait la présence de la cellule environnement pour tout ce qui est SET SETAL, nettoyage des lieux avant et pendant le festival.

S.C. Quelle est la place de la musique ? 

R.S. Outre les artistes internationaux comme le brésilien Fienias Nelluty, et Ale Moller Band venu de Suède, nous avons invité le groupe guinéen Révolution mandingue,  sans oublier les artistes sénégalais comme Maria Sigaa e, le duo Seydou Ba et Mareme Bar et les artistes de Dialaw : Donald Boucal, Ledev un rappeur du village, Salam TD. Ce son eux qui ont le vrai pouls de l’actualité musicale du moment. On a décidé  qu’au moins 50 à 60% de la programmation artistique doit être sénégalaise et la moitié doit être de la localité. Pour avoir une forte implication, maintenant les 40% peut venir d’ailleurs. L’idée est de créer un brassage entre artistes d’ailleurs et d’ici et de permettre des rencontres. Cette année,  Donald Boucal qui a composé l’hymne de Dialaw a enregistré un titre avec le groupe suédois d’Ale Molle et doit faire une tournée en Suède cette année.

Le groupe suédois Ale Mole et Donald Boucal . Photo Willy Vainqueur 

S.C. Avez-vous une activité culturelle à l’année ?

R.S Au-delà du festival, l’espace culturel doit profiter aux artistes locaux. C’était l’objectif de Gérard Chenet, paix à son âme. Nous n’avons fait que perpétuer l’idée. Au-delà, nous avions l’idée de les mettre en connexion avec d’autres artistes plus connus. Ils ont envie de connexion, de featuring, avec d’autres artistes plus connus et nous, à notre petite échelle, on essaie de les aider, de créer ces connexions pour qu’il y ait cet équilibre entre les artistes locaux et les artistes internationaux. Eux créent des évènements, et projettent de monter un festival de musiques urbaines. Nous, en tant que festival, qu’espace culturel, nous apportons notre contribution. C’est notre objectif. Créer un engouement autour de l’art tout au long de l’année. Accueillir des artistes en résidence, créer des plateformes pluridisciplinaires. Des expositions. Des spectacles, des programmations régulières. Nous montons des ateliers à destination des enfants du village, des mamans, des adultes. Nous avons créé une bibliothèque à destination des enfants du village, des adultes qui va bientôt ouvrir. Dans le palais des artistes, nous allons  créer des formats de contes, des lectures, des ateliers d’écriture pour les plus grands, de l’aide aux devoirs, tout ce qui touche à l’écriture et à la lecture. Donald Boucal est un de nos artistes associés. Sarah Dore Seck, notre relais à l’année, fait un travail formidable. Elle accueille des artistes plasticiens en résidence, organise le samedi    des concerts sont organisés à la casa musique.

Mactar Lebou Bi . Photo Willy Vainqueur 

 

S.C. L’arrivée du port qui va provoquer la disparition de plusieurs lieux constitue une menace face à l’esprit culturel de Dialaw ?

R.S  Evidemment c’est une menace mais on s’est dit, lors d’une réunion, on doit résister. C’est une grosse machine, on ne peut pas lutter. Comme on le dit aux USA, n’attend pas ce que le pays peut faire pour toi mais ce que tu peux faire pour le pays. On est dans cette dynamique. Aujourd’hui il y a le port, demain il y aura autre chose. La question est de savoir comment on continue, comment on résiste. On tient tête jusqu’à ce qu’on ait une reconnaissance, que nos actions soient valorisées.

S.C. L’Engouement comme l’Ecole des sables sont menacés de disparition  

R.S Trois à quatre structures  vont disparaitre normalement.  On a  donc un collectif qui est devenu , yolo xam xam. Les membres fondateurs sont  l’Ecole des Sables, nous, avec le théâtre de l’Engouement, la ferme des 4 chemins, le centre Mampouya, et l’association Diarama qui elle aussi a un théâtre et fait des résidences plutôt dans le secteur jeune public. Ce collectif ne dit pas non au port mais tente de dialoguer avec les azutorités, de leur dire  Nous existons, accompagnez nous, nous voulons créer un poumon vert dans l’écologie, l’environnement, mais aussi préserver nos structures culturelles . Ce que nous faisons est important pour la jeunesse, la population locale. Dans l’optique de continuer nos actions culturelles, on a construit des gradins, qu’on a utilisé pour la première fois ici. L’idée c’est d’avoir un matériel mobile, . Même si l’Engouement n’est plus là, nos actions vont continuer, on va les mener au plus près des populations, on arrive dans un espace, on installe. On met une scène mobile. Germaine Acogny, notre première partenaire, qui était présidente du collectif a . mis à disposition  l’école des Sables. Elle a accueilli des artistes qui ont logé dans son école. L’idée, c’est de trouver le bon format pour qu’elle puisse nous accompagner au mieux. Elle admire notre ouvrage, la vision de Gérard. Elle veut apporter sa contribution. Elle est demandeuse et a un grand poids. Notre volonté c’est de fédérer. Il n’y a pas de concurrence. Il faut s’allier aux différentes structures culturelles de la zone pour faire des choses ensemble.

Ambiance festival . Photo Willy Vainqueur 

S.C.  A qui vous adressez ces doléances ? aux autorités du port, aux autorités politiques ?

R.S. Les deux. Pour l’instant, ils nous ont reçu, nous ont écoutés. C’est en bonne voie, les grandes structures comme le port, il suffit juste de les déplacer, de prendre des terres ailleurs, où il n’y a rien. L’idée n’est pas de laisser tomber 600 hectares, c’est d’aller prendre ces hectares-là ailleurs et de préserver ce qui existe déjà. C’est un patrimoine culturel et environnemental. A la dernière minute, les autorités du port nous ont soutenu financièrement. Ils savent qu’on est là, qu’on fait des choses. Il y a des discussions sur le poumon vert, ils sont allés visiter le Havre pour calquer un modèle, créer une dynamique, . Il y a une responsabilité sociétale des entreprises.

S.C. Vous n’avez pas beaucoup de soutien des populations locales 

R.S. Les populations sont partagées, parce que le port va générer de l’emploi et on est content pour tous les jeunes qui auront du travail grâce au port mais il ne faut pas se leurrer, cela exige beaucoup de formation, donc on espère que nos populations pourront trouver du travail. Il y a aussi l’envers du décor. Ici, les jeunes vivent de la pêche et il n’y a pas presque plus de poisson. Les gros paquebots viennent et ramassent tout. Ils sont obligés d’aller pêcher en Gambie. Ils partent des mois, laissent leurs familles, leurs femmes, leurs enfants, Déjà.

S.C. Comment est venue de faire le lien entre art et nature

Rachel. Quand il est arrivé à Sobo Badé, dans les années 1960. Quartier Bataille, il n’y avait personne, que des terres. Il a construit la grande maison, le  théâtre, il recevait des amis comédiens, écrivains et s’est dit, pourquoi ne pas créer des chambres, un restaurant ?  Il pensait  que l’art permettait de transmettre des messages  que l’on ne pouvait pas faire comprendre par les mots. Il avait une vision globale. Pour lui, tout était art. Il fallait utiliser les matériaux à disposition pour construire, ne pas aller chercher les choses importées ou des choses fabriquées. Il y a des pierres qui sont là, je les plaque aux murs et voilà. Ça décore en même temps. Pour ce festival, on s’inspire de lui, de sa parole, de ses ambitions. Le thème est choisi chaque année en réunion, avec une trentaine de personnes, du village, des jeunes, des plus âgés, des artistes, des non-artistes. Les gens sont super sensibles à la question de l’environnement. L’APDD, qui porte le festival et a été créée , en 2010  par Gérard Chénet pour répondre aux questions écologiques. Et tout de suite, la première édition du festival a été lancée. Chaque année, les thématiques étaient liées à l’écologie. On n’est pas des pro en écologie, mais on s’y met, on apprend. Il était visionnaire. Et nous on essaie de d’apporter au mieux. On a pendant le festival la formation zéro déchets et l’association Récuplast Sénégal qui nous accompagne. On est également accompagné par adesli dialaw, une association des jeunes du village. On a créé une plateforme. L’idée est de tendre vers un festival culturel et écologique, un espace culturel et écologique qui va sensibiliser les populations autour de ces thèmes là.

S.C. Il y a une implication des enfants

R.S. Dans l’opération Set SETAL qui consistent à nettoyer les plages, les enfants sont les ambassadeurs d’une génération, l’avenir, les bras, les têtes de demain, Plus tôt ils sont baignés dedans,  mieux c’est, Nous on n’a pas eu cette chance. Quand on pense à un spectacle, une œuvre, tout de suite, on réfléchit à l’œuvre, le lien avec l’écologie, au cœur de la création. Quand on fait les réunions , tout le monde parle d’écologie. Ce n’était pas le cas il y a dix ans. Il y a ici une vraie conscience écologique, du pêcheur à la maman , à l’artisan, à l’artiste, tout le monde parle écologie et là, c’est une force en fait. C’est en parlant qu’on va pouvoir poser des pierres, construire un socle solide . L’art devrait être accessible à tous sans distinction sociale, ni d’âge, et nous, c’est notre objectif, Même si on est plus là et que dans dix ans,  on décide faire autre chose, les choses continuent.

 

interview de Sylvie Clerfeuille

Photos de Willy Vainqueur

 

 

 

 

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Sylvie Clerfeuille

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