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“Né en 1933 à Manta, petit village de l'actuelle sous préfecture de Bodié (ville de Dalaba, à plus de 400 km de Conakry ( Guinée), le joueur de koni (ngoni) et époustouflant soliste vocal, Ibrahim Sory Kouyaté aka Kouyaté Sory Kandia, laisse derrière lui un large répertoire inspiré des grands airs de la musique mandingue. Poète, philosophe, historien, auteur-compositeur, surnommé la “voix d'or du Mandé”, Kouyaté Sory Kandia disparaît le 25 décembre 1977, sept ans après avoir reçu le Grand Prix de l'Académie Charles Cros en France. Disparu le 25 décembre 1977, ce vocaliste hors norme, surnommé "la voix d'or du Mandé", laisse derrière lui un large répertoire inspiré des grands airs du Mandé.”

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De l’épopée mandingue aux soleils des indépendances

Issu d’une famille de musiciens et de conteurs, dans les jours foudreux précédant l’indépendance de la Guinée, Kouyaté Sory Kandia quitte la cour royale d’un dirigeant local pour rejoindre une communauté d’artistes et de futurs politiciens révolutionnaires. Jusqu’en 1958, l’année de l’indépendance de la Guinée, il était au summum de son pouvoir. Le président et son gouvernement l’ont compris et Sorry Kandia Kouyaté, à son tour, a compris et embrassé la révolution. Il devient “l’ambassadeur musical” de sa nouvelle nation indépendante et, en tant que “la voix de la Révolution”, représenta la Guinée aux Nations Unies, à travers l’Afrique et derrière le rideau de fer.

Ceux qui n’ont jamais rencontré ou vraiment connu Kouyaté Sory Kandia de son vivant, sont encore plus prolixes pour décrire la somptuosité de la voix de ce phénomène artistique, la majesté de ses gestes, la sublimité de son vocabulaire, constamment enrichi par la tradition. La voix de Sory Kandia Kouyaté – car il s’agit bien de lui – est fidèle aux canons de la musique africaine : langage et rythme, fonctionnalité et historicité.

Parlant de Sory Kandia Kouyaté, l’ethnomusicologue Henri Lecomte écrit : “Celui-ci, a été une des voix les plus aimées de l’ouest africain … Sa mort, le 25 décembre 1977, a été douloureusement ressentie dans toute l’Afrique de l’ouest. Comme nombre de musiciens de la région, il s’est aussi bien exprimé dans un contexte très traditionnel, accompagné par son propre ngoni (luth), le bala de Djéli Sory Kouyaté et la kora de Sidiki Diabaté, que dans un contexte moderne avec les claviers et le saxophone de Kélétigui Traoré” (de Kélétigui et ses Tambourinis). De lui, un confrère écrivait, incognito, en 1964 : “musicien sensible et fin, Kouyaté Sory Kandia n’égraine sur sa guitare que les notes veloutées de l’amour, l’amour du bien et de la vie, et sa puissante voix ne s’élève jamais que pour chanter les vertus traditionnelles de la société africaine dont il sait les moindres principes sur le bout de ses doigts.”

Ses origines

Ibrahim Sory dit “Kandia” appartient à la grande famille des Kouyaté. Un descendant direct de Balla Fasséké Kouyaté (une altération linguistique de l’expression “Bala fo sèké” qui signifie “joue maintenant le bala, Epervier !”, l’épervier étant le nom totémique des Kouyaté), illustre “djéli” de Soundiata Keïta, “Le roi miraculé”, le grand fondateur de l’Empire du Mali en Afrique de l’Ouest.

Kandia n’a pas deux ans quand sa mère décède. Cette mort le marquera à vie. Il composera plus tard pour elle, “N’na” (“ma mère” en langue malinké), l’une de ses plus belles chansons. En 1939, alors qu’il n’a que six ans, Kandia sait déjà caresser et pincer avec
amour le “koni” (ngoni), son “instrument-jouet”, offert par papa, et que ses petites mains couvrent à peine. Son père Djéli Mady Kouyaté, en maître pétri de savoir, l’initie très tôt à l’histoire africaine. Dès l’âge de 7 ans, il lui enseigne la vaste généalogie des immortels du Manding. Musique et tradition orale s’interpénètrent dans sa pédagogie. Maître du verbe et fin joueur de koni, par mnémotechnique, il lui apprend à jouer de cette guitare tétracorde traditionnelle, son instrument de prédilection. Djéli Mady veut voir son enfant le faire “parler” selon les canons propres à sa culture. Les gestes épiques du Mandé lui sont inculquées : “Soundiata”, “Douga”, “Boloba”, “Fama Denké”, “Djankè Wali”, “Touraman”, “Mansané Cissé”, “Mali Sadio”, etc.

De la cour royale de Mamou à la capitale Conakry

Pétri de traditions mandingues, de 1947 à 1949, Kandia rejoint la cour royale de Mamou, où son étincelante voix ravit l’Almamy et son aréopage de théocrates. Il impressionne aussi tous les courtisans et autres visiteurs. Sa renommée grandit ainsi et franchit les hauteurs du Foutah Djalon, pour s’étendre vertigineusement à de nombreuses contrées. Une divine invitation lui est faite de Conakry par un ami, qui souhaite lui faire découvrir la capitale guinéenne, et le faire connaitre aussi aux “fins mélomanes du coin”. L’Almamy de Mamou, affable à son endroit, comme un père aimant, lui accorde volontiers une semaine de ‘’liberté’’. Son succès dans la capitale est si immense, que le séjour se prolonge tout naturellement. Dans la fièvre de Conakry, Kandia se fait des amitiés dans tous les milieux, des artistes aux hommes politiques du parti RDA (Rassemblement Démocratique Africain). C’est pendant ce séjour qu’il s’achète ce qu’on appelle alors, “la guitare des blancs”, une guitare acoustique espagnole.

La voix exceptionnelle de Kandia

Un jour à Conakry, en spectacle, son micro lâche. Kandia dépose soudain le micro et chante à gorge déployée, de la manière la plus naturelle. Stupéfaction générale ! Kandia brave le micro et sa voix dans son jaillissement naturel enveloppe l’auditoire et l’étonne. Ce coup de maître, l’élève ne l’avait appris de personne ! Au cours d’une soirée organisée en 1951, à l’occasion d’une tournée du Président Sékou Touré à Labé, Kandia anime avec virtuosité la cérémonie. M. Sékou Touré est séduit ; il l’invite alors personnellement à le rejoindre à Conakry. La puissance vocale de l’artiste avait eu une telle attirance sur les foules, qu’il est évident que l’homme politique avait flairé l’effet qu’il pouvait avoir pour mobiliser les militants à ses meetings. Kandia avait une grande voix et, comme l’écrit un critique d’art : “Une grande voix, en pays mandingue, c’est un don occulte, souvent entaché de magie ; c’est un pouvoir, acquis par l’initiation autant que par l’étude – le pouvoir de manipuler les émotions des gens. Et ce pouvoir, a un tel impact sur la société mandingue qu’il a fait l’objet d’une stricte codification : ceux qui le détiennent sont des êtres à part, à la fois révérés et proscrits, plus proches des féticheurs que du commun des hommes.”

En 1952, à dix neuf ans, Kandia est un resplendissant adolescent, un artiste extraordinairement complet. Sa voix de mezzo-soprano et ses gestes de “candy charmant”, hypnotisent tous ceux qu’il croise sur les sentiers et chemins de sa précoce consécration. Son succès le surprend lui-même, mais ne lui fait pas pousser d’ergots.

Les Ballets Africains de Keïta Fodéba

Après les succès de Mamou, le triomphe de Conakry et un bref séjour à Manta, Kandia décide de se fixer pour un temps à Labé au cœur du Foutah Djalon. Motivé, le cœur empli d’ambitions nobles, il va y constituer son premier ensemble traditionnel de 12 membres. Heureuse coïncidence ou destinée ? Six mois après, l’intellectuel et artiste guinéen, Keïta Fodéba fondait Les Ballets Africains. Kandia va intégrer cet ensemble sur recommandation expresse de ses amis. Il lui apportera un souffle vivifiant de compositions du terroir, des airs forains, des fêtes villageoises, de sagesses moulées dans la courtoisie paysanne. Il y apporte des œuvres de qualité dont la mixité rurale et urbaine en faisait des pierres rares. Sur sa lancée de prosélyte génial, les villes de Kankan, Siguiri (Guinée) et Dakar (Sénégal), seront pour lui des étapes essentielles vers la consécration internationale.

Tournée mondiale triomphale

En 1956, la France sera la première escale à lui ouvrir les bras et le cœur. Une tournée euphorique dans les provinces, puis Kandia entre en studio et enregistre chez Vogue, son premier microsillon 45 Tours, sur lequel il dépose généreusement plusieurs titres dont : “Nina”, “Toubaka”, “Malissadio” et “Chants de réjouissance”.

Le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne fédérale, Kandia sillonne presque toute l’Europe y compris l’Est. L’URSS, les Etats-Unis et la Chine lui déroulent tour à tour, émerveillés, un tapis de star. Satisfaction totale des publics ! C’est une tournée triomphale ! Mais les succès ne lui montent pas à la tête, car Kandia aime passionnément la Guinée et l’Afrique. Malgré toutes les mirobolantes propositions qui lui sont faites ici et là, à travers le monde, Kandia préfère faire son premier tour d’Afrique de la chanson : Côte d’Ivoire, Gambie, Sénégal, etc. Tous applaudissent l’exceptionnel trouvère et ses frères. La même année au Festival de Bamako (Mali), les Guinéens enlèvent le trophée. Kandia est de la partie. Voilà sa première consécration continentale !

Les Ballets Africains de la République de Guinée

1958. Et vint la liberté ! Le 2 octobre l’indépendance de la Guinée est proclamée. La mission du chantre-poète, philosophe et historien, va éclater sous “le soleil de l’indépendance”. Il rejoint aussitôt Les Ballets Africains nouvelle formule. Ensemble, ils séjournent aux Etats-Unis. Un enthousiasme délirant salue un peu partout cette première sortie des Ballets rénovés et labélisés : “Les Ballets Africains de la République de Guinée”. A peine de retour à Conakry, les Ballets Africains repartent avec Kandia pour l’Autriche. Il réalise un duo de rêve en chantant avec altesse en compagnie de la célèbre vedette Paul Robeson. Superbe, Kandia se propulse dans un vibrato final qui rappelle aux Occidentaux les “cantadores espagnoles”. Ce qui l’amuse, lui qui descend des montagnes de son Fouta Djalon natal. Légitiment fier, Kandia exulte et ses amis jubilent. Ils vivent ces appréciations comme un hommage à la participation africaine, à travers la République de Guinée. Autre surprise, à Boston (Etats-Unis), devant un parterre fourni de diplomates, le chantre entonne l’hymne national de la République de Guinée, sur l’air d’Alpha Yaya. Plébiscite général. Son chemin artistique croise la gloire qui va l’étreindre jalousement et continûment.

Le Ballet National Djoliba

En 1964, à l’aune de ses extraordinaires performances, Kandia est nommé directeur adjoint du Ballet National Djoliba. Il y travaillera cinq ans. Ouvert et dispos, il va innover, dépoussiérer les pas de danse du groupe, en inventoriant les originalités de chaque ère géoculturelle du pays. Il fait appel à des costumiers, des décorateurs, des rythmiciens, des danseurs et chanteurs qui font merveille. En sa compagnie, ce ballet est auréolé des plus belles palmes artistiques dont, en 1966, la “Médaille d’or” du Festival International du Folklore, en Sicile. En 1969, au Festival Panafricain des Arts et de la Culture en Algérie, le continent s’incline devant la Guinée et lui décerne la “Coupe d’honneur” (argent) de solo. C’est alors le rush impitoyable vers le palmarès et les décorations. Kandia et ses amis parcourent encore l’Afrique : la Tanzanie, la Sierra Leone, le Liberia, la Côte d’Ivoire, etc.

Kouyaté Sory Kandia, le perfectionniste

Toujours à la recherche de nouvelles sonorités africaines, de nouveaux mélanges audacieux, Kouyaté Sory Kandia se fait accompagner par l’orchestre national Kélétigui et ses Tambourinis dans une série d’interprétations et de compositions exceptionnelles. Les titres “Conakry”, “Fouaba”, “Tinkisso”, “N’na” resteront à jamais des classiques de la musique guinéenne. Le Grand Prix de l’Académie Charles Cros 1970 sanctionne l’heureuse initiative par un disque d’or à la dimension de l’artiste. Poussé par la passion de la perfection et de la rénovation, Kandia trouve son épanouissement dans les sessions avec les musiciens africains novateurs. L’inénarrable joueur de kora malien, Sidiki Diabaté, est à ses yeux, une de ces références qui méritent le respect, par la noblesse de son jeu avec les 21 cordes de son instrument magique. Ils vont enregistrer aux Editions Syliphone, en trois volumes 33 tours, L’épopée Mandingue, l’une des plus belles pages de la musique traditionnelle de l’Afrique occidentale. Le dernier chef d’oeuvre du chantre au faîte de son art. Message de fidélité et de vérité historique dédié à la postérité.

L’Ensemble de la Voix de la Révolution

L’Ensemble instrumental et choral de la “Voix de la Révolution”, créé le 4 janvier 1961, sur initiative personnelle du président Ahmed Sékou Touré, est placé sous la direction de Kouyaté Sory Kandia. La mission de l’Ensemble est claire : composer, adapter, orchestrer et interpréter les airs populaires, pour que demeure en mémoire l’histoire de la patrie. L’expérience apparaît comme un véritable laboratoire de la musique traditionnelle africaine et Kandia devient la “Voix de l’Afrique” avant Miriam Makeba ! Aux festivals de Tunis et de Berlin (Allemagne) en 1973, Kouyaté Sory Kandia le directeur général de l’Ensemble instrumental et choral de la Voix de la Révolution, qu’il est, irradie les cœurs des spectateurs de bonheur. Partout, des salles combles, qu’il fait exploser de sa voix ample et belle. Il accomplit en 1974 ses obligations religieuses, en se rendant aux Lieux Saints de l’Islam, sur une offre gracieuse du Parti Démocratique de Guinée. Devenu El Hadj Sory Kandia, avec ses deux épouses et ses sept enfants, l’artiste fête sa foi en un Dieu unique. Il n’était pourtant pas un fanatique. C’est pourquoi avec le turban et la djellaba, Kandia a encore chanté à travers le monde ! Le parti au pouvoir, le PDG, le distinguera comme Médaillé d’honneur du travail. L’histoire sociopolitique africaine retiendra que Kouyaté Sory Kandia, en aède, fin connaisseur des us et coutumes des différentes populations ouest africaines, savait utiliser à bon escient les ressorts de la tradition pour atteindre des objectifs de paix et de quiétude.

Kouyaté Sory Kandia, le réconciliateur

L’auteur Siriman Kouyaté raconte dans son ouvrage “Cousinages à plaisanteries”, comment Kouyaté Sory Kandia s’est servi de la pratique du cousinage comme “outil d’apaisement” : Sory Kandia Kouyaté sut en faire bon usage en 1975, entre les présidents Sangoulé Lamizana de Haute Volta (actuel Burkina Faso) et Moussa Traoré du Mali dont les deux pays étaient en guerre. El Hadj Sory Kandia fut un des artisans, et pas des moindres, de la réconciliation. Grâce à sa voix et à sa connaissance de l’histoire africaine, il sut dans une version extraordinaire de la geste des braves, “Djandjon”, inviter les deux chefs à dépasser les querelles intestines et à voir en grand l’avenir d’un continent uni et fort. Kandia n’hésita pas un seul instant, devant Sékou Touré et de nombreux invités, à exhorter les deux présidents à s’embrasser, après avoir narré avec une inoubliable éloquence, la force des liens historiques entre les deux hommes et les deux pays, en minimisant et en ironisant au passage, les contradictions et rivalités présentes”.

Je revois encore Kouyaté Sory Kandia au Main Hall du Théâtre National de Lagos, au Festac 1977, au Nigeria, retraçant avec une verve inégalée la tumultueuse histoire de l’Afrique. Je le revois, ce musicien au sensible doigté et aux notes profondes qui, de sa voix
transperçait innocemment le coeur de ce public cosmopolite. Après Lagos, Kandia et l’Ensemble Instrumental sont au mois de mai 1977 en Haute-Volta, l’actuel Burkina Faso. Sa dernière sortie continentale.

L’époustouflant soliste vocal s’est éteint

Le 25 décembre 1977, revenant d’un spectacle de la ville de Coyah, à quelque 50 Km de Conakry (Guinée), Kouyaté Sory Kandia est terrassé par des douleurs atroces. Le véhicule s’immobilisera dans la brousse. Hélas, les artistes atterrés n’y pourront rien. La vie venait de refermer ses portes sur un destin brillant, un artiste exceptionnel. Kouyaté Sory Kandia s’éteint à 44 ans. Médaillé d’honneur du travail, il est élevé, à titre posthume au rang de Commandeur de l’Ordre National. Il disparaît, laissant derrière lui les sillons d’une vie bien remplie, que la mort ne saurait effacer de la mémoire des mélomanes du monde.

Toute sa vie, Kandia a été un artiste de combat du bien contre le mal, de la vérité contre le mensonge, de la liberté contre l’esclavage. Un clin d’œil sur notre siècle et nous voyons que son combat est loin de s’achever. Kandia ne meurt pas, il demeure le symbole de cette lutte.

Un 45 tours, Horoya / P.D.G., deux inédits extraits de la bande sonore de son dernier show télévisé en Guinée en 1977, paraîtra en 1978 (Editions Syliphone).

En 2012, le coffret 2 CD, La Voix de la Révolution, réalisé par Radio France Internationale, Syllart Productions et Sterns Music, présente deux facettes de la musique de Kouyaté Sory Kandia, la contemporaine et la traditionnelle pour expliquer pourquoi aujourd’hui, près de quarante ans après sa mort, il reste un artiste aimé et respecté. C’est un bel hommage à cet artiste qui a su chanter les grandes épopées africaines, afin que de générations en générations, les hommes se souviennent que l’Afrique a bien son Histoire. Pour que “les soleils des indépendances ne s’éteignent jamais, malgré les éblouissements, les égarements des fils de ce continent qui ne doit plus courber l’échine que pour travailler, et continuer à écrire son Histoire !”
Depuis quelques années ses enfants Kabiné « Kââbi », Mariam Kandia et Sékouba Kandia perpétuent l’œuvre de cet artiste incomparable.

* Source : http://musiqueguinee.over-blog.com/ (Justin Morel Junior)

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Sylvie Clerfeuille

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Nago Seck

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